« Faire la soudure »… késako ?

Une fois par an, le gros problème du maraîcher, c’est «faire la soudure»… Selon les rigueurs de l’hiver, la douceur du printemps, c’est plus ou moins tôt, plus ou moins tard, plus ou moins  long. C’est selon… Bref ce n’est pas tous les ans à la même époque, mais la soudure, ça revient tous les printemps.

Les abonnés aux paniers me demandent une définition simple de la soudure… Premier réflexe : chercher une définition dans le dictionnaire. Le mien est  vieux mais se tient encore bien, il a un peu plus de quarante ans. C’est paraît il la dernière édition où la définition du mot «bavure» ne mentionne pas la bavure policière : heureux temps !

Donc si je cherche dans mon vieux dictionnaire ^[1]très vieux, oui, un Petit Robert , merci Alain Rey – plus que quinqua –  au point qu’à la définition du mot « bavure », on n’y trouve point encore la « bavure … Continue reading, je trouve : « faire la soudure (fig) satisfaire à la demande, aux besoins des consommateurs, au moment où l’offre est la plus faible (avant une récolte, une importation, une rentrée). »

Très juste !

Et chez les Biaux Jardiniers (qui ne font pas d’achat/revente pour étoffer leur gamme), comment ça se passe, la soudure ?

Baisse logique des stocks

Au début du printemps,

• les locaux de conservation se vident : au froid, les légumes racine d’hiver ont été mangé régulièrement chaque semaine des 5 ou 6 mois froids. Les carottes, betteraves rouges, etc… commencent à se faire rare. Au tempéré, la plupart des variétés de courges ne se conservent plus.
• les légumes qui passent l’hiver au jardin « montent ». Ainsi ils manifestent très clairement leur instinct de survie (!) en entamant le processus de la montée à graine : pour se reproduire. Les poireaux initient leur hampe florale, ainsi que le panais. Et ils deviennent immangeables.
• sous tunnel, mâche, chicorées scarole ou frisée, claytone, mesclun, etc…toutes ces braves salades un peu résistantes au froid nous ont régalé en belle verdure quand le sol était gelé. Elles ont été récoltées par coupes successives tout au long de l’hiver, et vient le temps de la dernière récolte : avant qu’elles ne montent à graine.
• Les quelques primeurs qui ont passé l’hiver sous tunnel ont plus ou moins subi les rigueurs du froid, elles se développent lentement : il n’y en a pas toujours assez.

Illustration sous abri

Première travée et deuxième travée : plantations précoces en cours de développement, l’une plus sensible au froid est protégée par un voile.L’autre pourra l’être car les petits arceaux sont en place au cas où.

Troisième travée : fleurs jaunes des brassicacées du mesclun dont les feuilles ont été coupées et recoupées tout au long de l’hiver. Les jours grandissent, les plantes montent en graines.

Pousse lente de saison

Les premiers semis ou repiquages printaniers sous tunnel poussent, mais toujours plus lentement que la demande ne le souhaite : des carottes nouvelles par exemple on ne voit que les feuilles.  Et ces fameux tunnels, à qui chacun reproche d’ailleurs souvent d’être couverts de plastique, de ne pas être «naturels», sont toujours trop petits pour satisfaire la demande… car ce sont des investissements très lourds (et de plus en plus).

Il faut donc vite songer à planter en plein champ… même si les conditions météo ne sont pas assez favorables.

Illustration en plein champ

L’agronomie des planches permanentes liée à la culture systématique d’engrais verts pluriannuels facilite beaucoup les reprises précoces des planches . Et après les passages de finition, il devient possible de semer, repiquer ce qui est prévu au plan de culture. Selon les besoins des légumes, les protections contre le froid sont posées à plat, ou bien sur chenille.

Mais… le développement de la végétation reste lent. Ça n’est que la fin de l’hiver !

Moment du contradictoire

• Dans le travail du jardinier, la soudure, c’est la période où l’on sème pas mal, où l’on repique beaucoup, on s’active avec les protections etc… pour ce que l’on ne récolte pas encore.
• Dans la composition des paniers, la soudure, le pessimiste peut la définir comme : pas beaucoup de vieux légumes, et encore moins de nouveaux.

Saison locale !

La soudure, c’est le moment où notre jardin et ses travailleurs « assument » la réalité concrète de ce qu’est

• la production
• locale
• de saison
• sans chauffage.

La soudure, c’est la saison où le mangeur de nos légumes constate que nous sommes de ces rares producteurs-maraîchers qui ne font pas d’achat / revente de complément de gamme. C’est ainsi le moment où

• nos compétences professionnelles,
• la qualité de notre travail,
• les aléas de l’année écoulée,
• la météo du moment,
• etc…

se manifestent. Et sans échappatoire possible ^[2]notre métier de maraîcher Bio est VÉRIFICATEUR, raison pourquoi ils sont nombreux ceux qui l’avaient rêvé ET l’abandonnent après l’avoir tenté quelques années.

La soudure, c’est le moment qui rappelle à tous que

• malgré ce que nous inculqué la sainte alliance du commerce international et de la dépendance aux énergies fossiles,
• malgré les merveilleux progrès dus au mariage des centrales d’achat, du circuit long avec la chimie de la production hors-sol et chauffée bien en cour ces temps-ci, (« en même temps »)

-> chrono-logique, le calendrier reste ce qu’il est : l’hiver se termine  au 21 mars, l’été n’arrive qu’à la saint Jean

-> bio-logique, le travail paysan bio reste ce que son nom indique si clairement : lié aux phénomènes du VIVANT.

Pour savoir si le panier est à moitié vide ou à moitié plein, voir les menus des semaines qui viennent ! Bon appétit !

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