Comme JA (Jeune Agriculteur) Matthieu avait pu acheter les prés et terres de la ferme du château.
Elles avaient été mises en vente quand les fermiers qui y ont vécu leurs longues carrières sont partis en retraite sans repreneur. Au printemps 2019, notre ferme maraîchère a donc entamé la conversion à la Bio aussi de 12 hectares de terres dites «labourables».
12 hectares « labourables »
Roger Raffin
Détour au XX ème siècle
Nos recherches lyonnaises
Il faut dire que l’histoire des Biaux Jardiniers avec ces parcelles remonte assez loin… aux années 1990, quand Roger Raffin, technicien maraîchage de la chambre d’agriculture du Rhône nous apportait son conseil expérimenté. Il nous appuyait dans l’évaluation agronomique des plus solides propositions rencontrées dans notre recherche de ferme pour se réinstaller dans les Monts du Lyonnais.
La proposition bressane
C’est ainsi que, à Sornay aussi en 1995, Roger était venu avec nous « faire le tour ».
« Comme d’hab » nous avions «fait le tour» de ce qui était proposé en vente, les yeux en éveil pour observer l’exposition, les arbres, la végétation spontanée, les traces d’eau stagnante ou d’érosion, etc… Et aussi, observer avec une gouge pour remonter des carottes de terre suffisamment profondes pour «voir ce qui’s’pass dessous». Ainsi qu’utiliser une bêche pour mieux voir par ex les enracinements, les semelles, etc… chaque fois que de besoin.
L’éventuel futur Biau Jardin nous était apparu principalement :
- assez mal exposé, en pente mais très légère,
- une bonne terre à légumes mais très squelettique donc à réaction très rapide (trop ?),
- une parcelle assez hétérogène, plutôt en gradient et devenant plus «calme» en haut,
- une terre à risque trop humide en fond et situation manquant d’aération.
Concernant l’historique de la parcelle, la seule chose sûre était… un bon paquet d’année très « relâchées » et très « chaotiques » avant la mise en vente.
Au bilan un beau potentiel qu’il «suffisait» de travailler à améliorer pour espérer des résultats réels avec le temps.
Nous avions donc acheté heureux : avec réflexion, ET pleins de détermination.
D’autant qu’après plus de quatre années de recherche intensives… et ben, c’est connu : on cherche la ferme de ses rêves et… on achète la ferme qu’on trouve !
L’observation des environs
Nous avions aussi passé de la même manière du temps à arpenter plus loin, tout autour des parcelles en vente, pour essayer de comprendre – étrangers donc sans historique connu hors la carte géologique – le lieu dans son fonctionnement global.
Inquiété par les futures difficultés dues à la caractéristique squelettique de la terre qui allait devenir le Biau Jardin de Grannod, Roger s’était alors enthousiasmé pour une autre terre… Située un tout petit peu plus haut sur la même couche, elle était de composition visiblement plus lourde, favorisant donc potentiellement un déroulé des cultures plus «calme». Roger était emballé : «regarde comme c’est beau, çà, disait il en maniant des poignées de terre, çà ferait du beau légume. Et puis surtout plus facilement, c’est celle là que tu devrais acheter». Ben oui, Roger, c’est vrai, t’as pas tort, Roger, mais c’est pas à vendre…
Retour dans ce millénaire
Et c’est notamment cette terre aimée de Roger, que 25 années plus tard, le Jeune Agriculteur Biau Jardinier a pu acheter.
Situation
Ces terres, à proximité immédiate des nôtres (la plus grande joignant le parcellaire d’origine) sont en effet déterminantes pour la consolidation et la pérennisation de notre ferme maraîchère.
- Elles sont facilement arrosables car traversées par le circuit collectif des maraîchers,
- quasi toutes bénéficient d’une situation mieux ventilée que le jardin,
- leurs situations apportent aussi des types de sols complémentaires car elles sont composées de 3 îlots.
On ne se lance pas dans un investissement de cette taille, ni dans une telle perspective de travail, sans réflexions approfondies et assez larges.
Là encore le Biau Jardinier a donc beaucoup échangé avec toutes les personnes qui lui apportent habituellement leur aide dans ce type de réflexion : technicien agricole bio et conseiller de gestion qui «suivent» la ferme depuis plusieurs décades, collègues maraîchers, etc… Les échanges, nombreux, ont permis d’affiner et conforter les choix.
Les projets
La mise en valeur de ces nouvelles terres une fois leur conversion Bio réalisée va donc apporter plusieurs axes d’améliorations à la ferme.
- Élargir les circuits de commercialisation. Ce qui confirmera l’engagement de la ferme dans les structures coopératives de vente dont le Biau Jardinier est associé depuis 2019.
- Ré-équilibrer la rotation : en permettant de cultiver par exemple moins de carrés en brassicacées au jardin tout en y réintroduisant plus d’engrais vert, pluriannuel ou en mélange fleuri,
- Assurer l’entretien et permettre l’amélioration de la fertilité de nos sols. En ayant la place pour produire de la paille à incorporer dans les sols les plus légers. Et bien sûr aussi pour des échanges paille / fumier, seule manière de garantir durablement un approvisionnement régulier en fumier,
- Envisager la mise en place de productions complémentaires. Les « pistes » ne manquent pas : «gros légumes» de plein champ, céréales à paille, légumineuses à graine, etc… Tous cela améliorera la gamme des productions à vendre, donc l’autonomie et la pérennité de la ferme et ses travailleurs.
Ces terres permettront donc de consolider l’avenir de notre ferme jardinière autant dans ses emplois pérennes que dans son agronomie et sa commercialisation.
La conversion à la Bio
La conversion c’est quoi ?
Réglementairement
La période de conversion à la Bio est celle qui s’étend entre la date de début de l’application du Cahier des Charges de l’Agriculture Biologique et la date de semis (ou repiquage) de la première culture qui aura droit à être commercialisée sous l’appellation «issu de culture biologique».
Agronomiquement
La période de conversion à la Bio est celle où l’agriculteur bio assume les conséquences des antécédents des années d’agriculture conventionnelle. Et çà n’est pas forcément très facile. C’est la raison pourquoi existent des aides financières publiques à la conversion, sans lesquelles très vraisemblablement beaucoup moins d’agriculteurs risqueraient le passage en bio (surtout en grande culture). Dans notre cas, ce qui contribue à réduire une des difficultés de la conversion Bio sur ces terres cultivées en céréale ou maïs, est que les anciens fermiers ont continué à y épandre le fumier de leurs bovins pour les fertiliser. Au lieu de le vendre comme c’est pratique courante en fin de carrière.
Commercialement
Les récoltes des cultures semées pendant la première année de conversion (dite culture en C1) n’ont pas droit à être commercialisées en circuit Bio. Celles récoltées sur un semis réalisé plus d’une année après la date de début de conversion peuvent (si / quand récolte il y a…) être commercialisées comme cultures en conversion Bio. Cultures dites C2 pour la deuxième année, et C3 pour la troisième si c’est le cas).
Globalement
et bien, on aura compris que de tous points de vue, la conversion à la Bio c’est «une prise de risque» !
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Illustration et compte-rendu de ces 3 années de travail de conversion : lire Conversion Bio de 12 ha labourables : le feuilleton illustré !