Paysans-maraîchers dans…
une région très rurale, nous nous sommes ré-installés sur cette ferme bressane – après 18 années de maraîchage sur Moroges – pour nous créer l’opportunité de produire des légumes Bio dans des parcelles assez vastes pour pouvoir y mener une agronomie Bio dite «EXtensive». C’est à dire très productive AVEC LE MINIMUM d’apports extérieurs.
Notre pratique consiste à valoriser les potentialités du milieu SIMPLEMENT. En lui laissant toute sa place !
Contrairement au maraîchage dit «bio-intensif»,
- nous ne consacrons qu’une partie de nos planches à la production de légumes : au bénéfice d’une rotation à base d’engrais verts dont des pluri-annuels,
- nous préférons «perdre beaucoup de place» pour garder un milieu très diversifié.
Pourquoi ? L’histoire de l’agriculture démontre à l’envi que le système EXtensif est potentiellement plus auto-équilibré que si tout était jardiné «par la main de l’homme – de la femme» (=artificiellement).
…un jardin bocager.
Des haies nombreuses
La parcelle de jardin est longée de haies de feuillus de pays en mélange. De grande hauteur et généreuse épaisseur. Principalement coté Nord (vents froids) et coté voisinage conventionnel (risques) mais pas que ! En effet, le bocage «fonctionne» par maillage fermé pour mise en relation.
Certaines haies étaient présentes à notre arrivée sur la ferme.
Nous en avons planté, ou re-planté, [1]replanté quand le voisinage syndiqué « découvrit » que l’une était, depuis incontestablement de nombreuses générations, 50 cm trop près de sa parcelle plusieurs, parfois avec de petites aides publiques. Et parfois sans car notre région est assez peu favorisée sur ce sujet.
Des haies étagées
Ces haies sont composites : il y a un étage arbustif bas, un étage intermédiaire à recéper régulièrement.
Et elles disposent d’assez de place pour laisser se développer un étage d’arbres de haut jet.
Des feuillus variés
Nos haies sont composées d’un mélange d’une douzaine de feuillus de pays et de quelques petits persistants indigènes. Nous ne les entretenons pas «au cordeau» mais par un travail «forestier doux» adapté : pour favoriser la biodiversité dans tous ses aspects.
…un jardin paysan.
Dans ce MILIEU que nous habitons pleinement, nous avons le souci de minimiser les impacts de notre activité productive. Comment ? En «abandonnant», dans le jardin lui-même, des parcelles dont nous (humains + légumes) sommes au maximum absents.
Des coins toujours en herbe
C’est ainsi qu’à proximité des planches de légumes, une place importante est consacrée à :
- des surfaces en prairie permanente. Donc diversifiant flore et faune.
- des places sans entretien annuel. Donc gardant ronce, ortie, etc… qui offrent nourriture et abri à certains auxiliaires particulièrement recherchés en maraîchage.
Grands arbres
Nous avons choisi de cohabiter avec la plupart des arbres existants à l’intérieur de la parcelle, c’est notre façon de voir (et vivre) l’Agriculture Biologique !
Bords de haies
Les bordures des haies sont suffisamment peu entretenues de près pour garder des ourlets «tranquilles», garnis de fleurs, au bénéfice de la diversité végétale et animale, etc…
Fauche tardive
Des places fauchées seulement tardivement nous permettent d’obtenir des végétaux mûrs. Alors, ils sont tardivement laissés sur place. Leurs tiges creuses fournissent un gîte potentiel à bien des insectes !
Zones humides conservées
Les «basses» sont un « relief » typique de l’agriculture traditionnelle bressane. Elles ont été modelées par le travail des générations précédentes pour limiter les excès d’eau stagnante de nos terres humides. Nous les conservons de manière à garder leur rôle assainissant et à valoriser leur fonction de lieux semi-humides
« Cros » et bassins
- Dans les petits fossés, nous creusons systématiquement des « cros », parties plus basses que leur évacuation, donc mini-mares enrichissant de ci de là le milieu en batraciens.
- Un bassin de rétention d’eau de volume suffisant a été installé pour gérer les précipitations concentrées par les tunnels. Il se remplit lors des orages, et seul le trop plein est évacué. Ensuite, évaporation et surtout percolation en profondeur font baisser le niveau… créant du volume disponible pour l’orage suivant.
Installation de pierriers
La création d’une cunette a été l’occasion d’apporter un beau volume de caillou uniquement de gros calibre. Cela permet d’y circuler sans provoquer ornière ou érosion tout en créant un milieu différent : très sec, sensible au réchauffement par le soleil. Tout ce système permet là aussi d’augmenter la potentielle biodiversité et son installation pérenne au jardin.
…un jardin intégré.
Notre but n’est pas la création d’un îlot de culture bio très intensive gorgé de matière organique – importée en masse. Notre pratique agricole est orientée vers une recherche d’intégration, de modération et d’harmonie. De valorisation des cycles, d’équilibre entre la production de légumes Bio de saison et l’organisme agricole dans lequel ils poussent. Car nous savons que les capacités d’adaptation de la vie sont potentiellement très efficaces si on leur en laisse les conditions !
Un jardin en plusieurs blocs…
Dans tout le jardin sont réparties plusieurs parcelles de culture.
Leur taille est bien sûr fonction de la topographie des lieux.
De larges circulations
Pour les desservir, de larges allées enherbées permettent le transport confortable des récoltes. Nous utilisons le tracteur avec benne portée, mât lève-palette ou remorque plutôt que la brouette trimballée manuellement – au détriment du dos du travailleur !
Cette place en bout de planche facilite aussi des manœuvres aisées et rapides lors du travail du sol.
Pour passer d’un ensemble à l’autre, des allées aident aussi à intégrer le jardin dans le milieu : la non intervention laisse plus de liberté aux végétaux et animaux présents.
Fauche « alternée »
Toutes ces allées enrichissent les lieux en biodiversité car elles ne sont pas entretenues «à ras» partout, genre tondeuse à gazon détruisant faune et diversité végétale. Nous pratiquons la «fauche alternée», ce qui permet ici aussi la cohabitation de végétaux fraîchement coupés avec d’autres plantes en cours de végétation, voire des tiges mûres.
Cette pratique aide à moins déranger les populations d’insectes présentes : nous leur offrons en permanence, des végétaux pour gîte et couvert – sans destruction – ainsi que des couloirs de circulation.
Des carrés de culture égaux.
Chacun de ces ensembles est divisé en carrés de culture, plus ou moins nombreux selon la surface du bloc.
Tous les carrés ont la même surface, et les mêmes largeur et longueur, ce qui facilite énormément la gestion du plan de production, de la rotation, et de la «quincaillerie» : voiles, filets, grillage à ramer, arrosages, etc…
Bordures fleuries permanentes
Les carrés sont séparés les uns des autres par une bande fleurie permanente, en place pour plusieurs années avant renouvellement, une technique que nous avons mise en place dès le début du siècle.
Elles facilitent l’installation pérenne des auxiliaires et leur action à l’intérieur même de chacun des carrés, donc au plus près des légumes. Il nous semble que cela permet de maintenir les parasites à un niveau tout à fait supportable sans recours régulier aux insecticides bio mais pas toujours parfaitement sélectifs.
Botanique homogène
- Longueur et largeur des carrés ont été choisies pour être un multiple des portées des arroseurs. Le carré est donc une unité d’arrosage.
- Une seule famille botanique de légume compose la culture d’un carré. Le carré est ainsi une unité de rotation.
Des planches permanentes identiques.
Rotation lente !
Au sein de chaque carré, 16 planches permanentes sont mises en culture selon le planning de production.
Nous menons sur chaque planche permanente une seule récolte par année. Quelques fois (et au maximum) deux.
Prévention de l’herbe
Ce choix extensif nous donne le temps des faux semis et occultations… indispensables pour lutter préventivement contre les adventices.
Entretiens préventifs
Cela nous permet d’avoir ensuite des cultures subissant une faible pression des adventices après la levée du légume, ce qui en facilite l’entretien ultérieur « sans galère »,
et aide le légume à mieux se développer en bonne santé,
bien aéré sans herbes concurrentes jusqu’à la récolte.
Engrais verts dérobés
Ce choix extensif nous donne aussi le temps de cultiver des engrais verts systématiquement,
avant ou après le légume, en culture dérobée
ou en culture hivernée de mélanges résistants au gel.
Ce choix donne à l’activité microbienne le temps nécessaire pour les assimiler après incorporation et travail du sol. Au rythme de la vie du sol, plutôt qu’à celui de la production intensive…
Cultures à faible densité
Chaque légume est cultivé selon ses exigences propres, le plus souvent sur deux rangs
Jamais en haute densité ! Ce choix apporte une bonne aération naturelle et participe à la prévention de l’apparition des maladies.
Outils non-violents
Respectueux de la terre comme des exigences des légumes, nous refusons les techniques mécaniques intensives. Notre travail du sol en préserve la structure par évitement des outils rotatifs animés pour les préparations des planches. Nous privilégions l’usage d’outils à dents adaptés : outils peu violents + suppression des risques de lissage/déstructuration.
La terre de la planche dans laquelle pousseront les légumes n’est jamais matraquée par la roue du tracteur ni piétinée par les Biaux Jardiniers : car nous travaillons en «planche permanente», technique dans laquelle nous nous sommes lancés, avec autant de passion et de bonheur que d’erreurs et «tâtonnements :-)) progressivement dès les premières années de ce millénaire.
Format adapté
La planche est l’unité de commercialisation : elle détermine le nombre de paniers que nous pouvons faire chaque semaine, sur toute l’année.
Pour nourrir toute l’année !
Nous vendons majorité de notre production en paniers à des personnes qui s’engagent annuellement par abonnement avec une attente évidente : manger toute l’année… Il est donc équitable de notre côté d’être capables de leur fournir des paniers copieux (et attrayants !) toute l’année, y compris de janvier à mai. Nous travaillons donc en conséquence. Pour nourrir toute l’année, nous ne sommes donc pas intermittents du maraîchage !
Conserver correctement
Alors nous nous sommes équipés en locaux et techniques de conservation adaptés à la gamme de légumes.
Cultiver aussi sous tunnels
Nous cultivons aussi sous tunnels de façon à produire pour nos abonnés :
- en hiver plus de diversité en légumes feuille (cote de bette, mâche, mesclun et autres salades, épinard)
- au printemps une gamme étoffée et assurée de cultures hivernées et de primeurs : bottes de radis, carotte, oignon, navet ainsi que chou pointu, fève, ail frais, pomme de terre nouvelle, chou-fleur, fenouil, etc…
- en été automne l’ensemble des légumes-fruits, dont la production est échelonnée et sécurisée sous les abris.
Pour un climat équilibré, tous les tunnels sont équipés d’un système d’aération latérale, qui aide à limiter les maladies.
Tunnels anciens
- Les plus anciens, achetés d’occasion dans les années 80, ont été améliorés plus tard par un système manuellement réglable d’aération latérale.
Tunnels pieds droits
- Les plus récents, installés par Matthieu à partir de 2016 sont à bords droits, ce qui facilite le travail et limite les entrées de pluie sources de maladies.
Multi-tunnel
- Et c’est un quadri-tunnel qui a été mis en production en 2020, offrant 16 planches supplémentaires à la rotation sous abris.
Même agronomie !
Nous pratiquons la même agronomie sous tunnels qu’en plein champ :
- tous les tunnels sont de même longueur et cultivés eux aussi en planches permanentes,
- la rotation comporte des engrais verts,
- nous transformons les bordures en bandes fleuries permanentes refuges pour insectes auxiliaires indigènes.
Culture extensive.
Rotation calme…
Parmi tous nos carrés disponibles au jardin, environ deux tiers sont cultivés en légumes, ce qui signifie donc que les autres sont en engrais verts pluriannuels, à base de luzerne, en place pour généralement trois années consécutives (avant d’être à leur tour cultivés en légumes). Nous pouvons bénéficier de ce cycle de retours réguliers d’engrais verts par notre choix agronomique de «toute cette place perdue pour des légumes».
…plutôt qu’intensive !
Cette agronomie extensive permet de lutter préventivement contre l’apparition des problèmes pudiquement nommés «fatigue des sols» qu’amènent par système les méthodes maraîchères intensives « à l’ancienne » basées sur la succession très rapide des cultures de légumes. Méthodes intensives promues encore il y a peu par les techniciens conventionnels.
En effet le retour trop fréquent au même endroit des familles botaniques les plus cultivées en maraîchage guette… Notamment concernant la famille des brassicacées, déjà beaucoup fréquentée par toutes les gammes de choux, navets, radis… Phénomène dangereux encore aggravé par la précipitation spéculative sur la culture de mesclun !
De plus, la culture des végétaux à forte densité, l’apport en très grosse quantité de matières organiques extérieures à la ferme etc… entraînent maladies, engorgements. Ces «méthodes» avaient montré en leur temps (maraîchage de ceinture verte des années 60) leur absence de résilience… mais elles font pourtant maintenant le buzz ! En ce moment du moins car «répondant» à la faible accessibilité du foncier…
Inter-cultures pluriannuelles
En place pour plusieurs années consécutives, les engrais verts en mélange se développent grâce à la seule énergie solaire. Naturellement, par la photosynthèse – et ainsi gratuitement de tous points de vue. La liste des bénéfices est impressionnante :
- ameublissement du sol en surface et fissuration en profondeur,
- fertilisation organique et azotée,
- activité microbienne biodiversité végétale comme animale,
- abri et multiplication des insectes auxiliaires de nos cultures,
- rupture du cycle des parasites et maladies des légumes,
- prévention de l’enherbement
- etc…
Et tout cela en auto-production sur et par la ferme elle-même, qui en devient d’autant plus autonome !
Ce sont des mélanges très diversifiés, que nous avons mis au point au fil du temps par observation, échecs et tâtonnements successifs.
Selon leur ancienneté, la saison, la façon dont ils ont été entretenus, l’historique météo, etc… la composition des engrais verts pluriannuels évolue au fil du temps, ce qui est aussi un facteur de biodiversité, donc d’équilibre dans la vie du jardin.
C’est une pratique agronomique garante de durabilité, et qui conforte grandement notre autonomie paysanne. Plutôt que comme des jardiniers intensifs, nous nous considérons donc comme des paysans intégrés sur une ferme (= sur un sol et dans un lieu), que nous valorisons tels qu’ils existent, un terroir, un territoire humain.
Il nous semble que ce système extensif paysan équilibré que nous pratiquons permet d’assurer à long terme
- la fertilité du jardin,
- la qualité de ses produits
- notre autonomie de producteurs,
Ainsi que notre revenu de travailleurs paysans… donc la pérennité de la ferme car notre but est non seulement d’y vivre décemment par une production alimentaire de qualité biologique vendue à prix réellement abordable, mais aussi sa transmissibilité… en bon état !
↑1 | replanté quand le voisinage syndiqué « découvrit » que l’une était, depuis incontestablement de nombreuses générations, 50 cm trop près de sa parcelle |
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